Notre cabinet intervient dans de nombreux contentieux prud’homaux.
La question de la preuve et de sa validité est centrale.
En matière civile, notamment prud’homale, le principe est que la preuve est libre.
La Cour de cassation exigeait toutefois que la preuve soit licite et loyale. Une preuve illicite ou déloyale est par principe irrecevable et automatiquement rejetée des débats.
Plusieurs décisions à ce sujet ont été rendues ces derniers mois et ont opéré un revirement de jurisprudence important.
- Les extraits de conversation enregistrées à l’insu d’un salarié Responsable commercial grand compte (entretiens préalables à la mise à pied et au licenciement) étaient produits par l’employeur pour démontrer la faute reprochée au salarié. La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel qui, comme le conseil de prud’hommes, avait écarté ces pièces des débats sans opérer un contrôle de proportionnalité. (Arrêt de l’Assemblée Plénière du 22 décembre 2023, n° 20-20.648)
- Les extraits d’un système de vidéosurveillance non destiné au contrôle des salariés peuvent être recevables pour permettre à un employeur de démontrer la faute grave d’une caissière de pharmacie qui volait. (Cass. soc., 14 février 2024, n° 22-23073).
Ces décisions démontrent que la Cour de cassation a modifié sa position, non pas en faveur des salariés ou des employeurs, en privilégiant l’un ou l’autre, mais en faveur de la nécessité de rendre justice en tenant compte de la réalité complète d’une situation.
Même si celle-ci est établie grâce à une preuve dite illicite ou déloyale.
Selon la Cour de cassation, il s’agit de « [répondre] à la nécessité de ne pas priver un justiciable de la possibilité de faire la preuve de ses droits, lorsque la seule preuve disponible pour lui suppose, pour son obtention, une atteinte aux droits de la partie adverse ». (Communiqué suite aux arrêts du 22 décembre 2023)
Le justiciable est tout autant l’employeur que le salarié dans le cadre d’un litige prud’homal.
Pour éviter que l’entreprise ne devienne le lieu de tous les stratagèmes et autres ruses, la Cour de cassation précise très clairement que cette preuve obtenue de manière illicite ou déloyale :
- Doit être indispensable au soutien des demandes de la partie (nécessité) ;
- Ne doit porter atteinte à un droit de manière disproportionnée par rapport au but poursuivi (proportionnalité).
La Cour de cassation notamment dans sa décision du 14 février 2024 rappelle alors précisément le mode opératoire que doit suivre la juridiction face à une preuve contestée pour être illicite ou déloyale :
« Il résulte de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 9 du Code de procédure civile que, dans un procès civil, l’illicéité dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats.
Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. »
Nous sommes à votre disposition pour étudier vos enjeux et actions au regard des preuves dont vous disposez.
Article rédigé par le cabinet Axiome Avocats spécialisé en droit du travail à Lyon.