I / Le cadre légal :
C’est l’article L.1153-1 du Code du travail qui en précise les contours :
« Aucun salarié ne doit subir des faits :
1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés, qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
Le harcèlement sexuel est également constitué :
a) Lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;
b) Lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition ;
2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. »
II / Éléments constitutifs du harcèlement sexuel :
L’analyse de ces articles permet de dégager des critères nécessaires à la qualification des faits de harcèlement sexuel.
➢ Qui est concerné par ces articles ?
• La victime doit être un salarié de l’entreprise.
La jurisprudence retient que le harcèlement sexuel peut être reconnu quelle que soit l’identité de genre de l’auteur et de la victime (Cass. soc., 3 mars 2021, n° 19-18.110).
• L’auteur présumé peut être : l’employeur, un supérieur hiérarchique, un collègue, un subordonné ou encore un tiers extérieur à l’entreprise.
➢ Le caractère répété des agissements.
La jurisprudence considère qu’un agissement est répété dès lors qu’il se produit au moins deux fois, quelle que soit la période séparant les faits.
Exception : Le législateur prévoit que le caractère répété n’est pas obligatoire :
– Si plusieurs personnes de façon concertée ou à l’instigation de l’une d’elle font subir des propos ou comportements à connotation sexuelles ;
– Lorsque le groupe faisant subir les propos ou comportements à connotation sexuelles a conscience que cela peut caractériser une répétition quand bien même chacun n’agit qu’une seule fois ;
– Lorsqu’une pression grave est exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un avantage sexuel que ce soit pour son propre profit ou celui d’un tiers.
➢ Les propos ou comportements à connotation sexuelle.
Le Code du travail ne définit pas précisément ce que recouvrent les « propos ou comportements à connotation sexuelle ».
Il faut donc se référer à la jurisprudence, qui considère qu’il peut s’agir d’allusions, de comparaisons, d’échanges de SMS ou de mails…
Il n’est pas nécessaire que les agissements aient pour but d’obtenir une faveur sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers.
La Cour de Cassation a récemment consacré pour la première fois la notion de « harcèlement d’ambiance », qui peut être caractérisé lorsque le propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste, même s’il est adressé à un groupe et ne vise pas une personne en particulier, peut avoir pour effet de porter atteinte à des personnes individuellement et donc relever de la qualification de harcèlement sexuel (Cour de cassation, 12 mars 2025 n°24-81644).
➢ Où et quand doivent se dérouler les faits caractérisant le harcèlement sexuel ?
Le harcèlement sexuel peut être reconnu même lorsque les faits ne se produisent ni sur le lieu de travail, ni pendant le temps de travail.
Par exemple, la situation dans laquelle un salarié adresse des messages à caractère sexuel en dehors du cadre professionnel à des personnes avec lesquelles il est en contact en raison de son activité professionnelle, relève de la qualification de harcèlement sexuel au travail (Cour de cassation, 19 octobre 2011, n°09-72.672)
III/ Le rôle de l’employeur :
1. L’obligation de prévention
L’employeur est tenu d’une obligation générale de santé et de sécurité à l’encontre de ses salariés (article L.4121-1 et suivants du Code du travail).
Plus particulièrement, l’article L.1153-5 du Code du travail impose à l’employeur de prévenir les faits de harcèlement sexuel.
Il existe différents moyens pour l’employeur de prévenir ces faits, notamment :
✓ Inscrire le risque de harcèlement sexuel dans le Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels (DUERP),
✓Mettre en place des actions de formation et de sensibilisation,
✓En faire mention dans le règlement intérieur et sur les panneaux d’affichage de l’entreprise,
✓Désigner un référent harcèlement sexuel au sein du CSE, pour les entreprises concernées,
✓ Désigner un référent harcèlement sexuel dans l’entreprise, lorsqu’elle comptabilise un effectif d’au moins 250 salariés.
2. L’employeur doit faire cesser des faits pouvant caractériser le harcèlement
Le signalement de faits de harcèlement a pour conséquence d’obliger l’employeur, responsable de la santé et de la sécurité des travailleurs, à prendre des mesures concrètes afin de réfuter ou d’établir l’existence dudit harcèlement et, le cas échéant, de le faire cesser.
Cette action est fondamentale non seulement pour protéger les éventuelles victimes, mais également pour éviter les risques résultant d’une inaction de l’employeur qui peuvent devenir très significatifs, notamment en cas d’impact sur la santé de la victime.
Afin de respecter son obligation, il est recommandé à l’employeur de diligenter une enquête interne.
Le principe même de l’enquête harcèlement consiste à interroger un public ciblé dans le cadre d’entretiens individuels, au cours desquels un questionnaire neutre leur sera présenté, afin de déterminer s’il existe ou non une situation de harcèlement sexuel.
Le CSE, s’il existe, devra être associé à cette démarche, ainsi que le médecin du travail.
Si l’enquête conclut à l’absence de faits de harcèlement :
✓ Des actions seront probablement nécessaires pour favoriser le retour à un bon climat social,
✓ Il sera nécessaire de soumettre ces conclusions et les actions envisagées au CSE et au médecin du travail,
✓ Une communication particulière à l’adresse de l’auteur du signalement et de la personne initialement mise en cause pourrait également s’imposer.
Si en revanche des faits de harcèlement ou d’autres manquements étaient mis en évidence, des actions correctives concrètes devront être proposées, qui dépendront de la nature et de la gravité des faits, par exemple :
✓ Médiation ;
✓ Réorganisation ;
✓ Sanctions disciplinaires ;
✓ Formations.
IV/ La protection du salarié qui dénonce des faits :
Aucun salarié ne peut être sanctionné au motif qu’il a dénoncé des faits pouvant s’apparenter à du harcèlement sexuel, peu importe que cette situation le concerne ou concerne un de ses collègue, sous peine de nullité de la sanction prononcée par l’employeur.
Cette protection s’applique même si la situation de harcèlement n’est pas établie.
La seule limite à cette protection est la mauvaise foi du salarié (hypothèse dans laquelle le salarié avait connaissance que la situation qu’il dénonçait était fausse)
V/ La charge de la preuve :
Lors d’un litige au cours duquel un salarié ferait état de faits de harcèlement sexuel, un aménagement de la charge de la preuve est prévu par l’article L.1154-1 du Code du travail.
A cet effet, si un salarié invoque une situation de harcèlement sexuel, celui-ci devra apporter des éléments permettant de laisser supposer l’existence d’un harcèlement sexuel.
L’employeur devra de son côté justifier de l’absence de toute situation de harcèlement.