
L’objet de la clause de non-concurrence est d’interdire au salarié, après son départ de l’entreprise, d’exercer une activité professionnelle susceptible de porter atteinte aux intérêts de son ancien employeur.
Cette restriction a pour finalité la protection de l’entreprise, de son savoir-faire, de sa clientèle ou encore de ses informations stratégiques.
Quelles sont les conditions cumulatives de validité d’une telle clause ?
D’abord, rappelons que l’employeur ne peut imposer unilatéralement la clause de non-concurrence et sa validité est par conséquent subordonnée à son insertion dans le contrat de travail de manière claire et non équivoque.
Par exception, l’obligation de non-concurrence peut résulter d’une convention collective si le salarié a été informé de son existence et mis en mesure d’en prendre connaissance.
Au surplus, la clause de non-concurrence doit impérativement respecter cinq conditions cumulatives dégagées par la jurisprudence :
- La clause doit être indispensable à la protection des intérêts de l’entreprise ;
À titre d’exemple, une clause de non-concurrence prévue pour un serveur en contact direct avec la clientèle et limitée à la ville ou celui-ci exerçait ses fonctions, est licite au motif qu’il existe un risque que le salarié puisse détourner la clientèle de son ancien employeur au profit de son nouvel établissement. En revanche, l’interdiction de concurrence concernant un magasinier qui n’a aucun contact avec la clientèle ni accès à des données sensibles ou stratégiques n’est pas indispensable à la protection des intérêts de l’entreprise.
- La clause doit être limitée dans le temps ;
La jurisprudence exige une limitation dans le temps et vérifie que la durée ne porte pas une atteinte excessive à la liberté du travail du salarié, compte tenu le cas échéant des autres critères et conditions. A moins que l’emploi ne soit très spécialisé et le champ d’application géographique de la clause très vaste, les durées inférieures ou égales à un an ne posent le plus souvent pas de problème.
Certaines conventions collectives encadrent les clauses de non-concurrence et en fixent la durée maximale. Par exemple, la CCN des Prestataires de services autorise une durée maximale de 3 ans tandis que celle des Experts automobiles ne permet pas de dépasser une année. Attention : le respect de ces limites ne garantit pas pour autant la validité de la clause.
- La clause doit être limitée dans l'espace ;
Selon la jurisprudence, la clause de non-concurrence doit comporter une limitation géographique précise, adaptée à la nature de l’activité et proportionnée à la protection des intérêts de l’entreprise. L’absence de limitation, ou une limitation trop large, peut entraîner la nullité de la clause.
La délimitation de l’étendue géographique est précise lorsque la stipulation vise un ou plusieurs périmètres administratifs connus.
Selon le cas de figure, la jurisprudence admet qu’une clause puisse interdire des actes de concurrence sur le territoire de plusieurs villes ou départements, d’un pays et même d’un ou plusieurs continents. En revanche, la clause étendant l’interdiction au monde entier ne répond pas à la condition.
Les conventions collectives peuvent également définir des règles précises de limitation dans l’espace. Ainsi la CCN des V.R.P. limite-t-elle le champ de la clause aux secteurs et catégories de clients que le représentant était chargé de visiter au moment de la notification de la rupture du contrat (sauf changement de secteur et/ou de clientèle datant de moins de 6 mois).
- La clause doit être assortie d’une contrepartie financière proportionnée, non dérisoire.
La contrepartie financière doit être prévue par le contrat de travail, à défaut la contrepartie financière éventuellement prévue par la convention collective s’appliquera si le contrat s’y réfère expressément.
Il n’existe pas de barème dégagé par la jurisprudence, au terme de laquelle le montant doit être fixé en proportion des contraintes imposées au salarié après la rupture de son contrat de travail.
Par exemple, une Cour d’appel a jugé dérisoire une contrepartie égale à 1,14 mois du salaire de base hors variable (soit 19% du salaire) pour une interdiction de concurrence d’une durée de 6 mois et sur un territoire incluant Paris, l’Union européenne et la Suisse.
Les conventions collectives fixent des minima. Par exemple, dans la Métallurgie, la contrepartie mensuelle est égale à 50 % de la moyenne mensuelle de la rémunération brute des 12 derniers mois précédant le départ, portée à 60 % en cas de renouvellement de la clause.
La contrepartie est due pour tous les cas de rupture du contrat de travail dans lesquels s’applique l’obligation de non-concurrence. Concrètement il n’est pas possible d’exclure le versement de cette contrepartie si c’est le salarié qui est à l’initiative de la rupture du contrat de travail ; De même, la clause de non-concurrence applicable en cas de licenciement ne peut pas exclure le versement de l’indemnité en cas de faute grave ou lourde.
La contrepartie financière est versée à compter du départ effectif du salarié de l’entreprise. L’indemnité est généralement versée selon une périodicité mensuelle, mais le contrat de travail ou la convention collective peut prévoir un règlement sous forme de capital.
- La clause doit être proportionnée aux spécificités de l’emploi du salarié :
Pour être valable la clause de non-concurrence ne doit pas empêcher le salarié de trouver un emploi conforme à sa formation et à son expérience professionnelle.
Ainsi, par exemple, a été annulée la clause dont le libellé avait pour effet d’empêcher le salarié d’exercer son activité professionnelle auprès de toute entreprise correspondant à l’expérience professionnelle acquise depuis plus de 20 ans.
Que se passe-t-il si le salarié ne respecte pas la clause ?
Si la clause est valide, le non-respect de l’interdiction par le salarié entraîne :
- La perte définitive du droit à l’indemnité de non-concurrence et le remboursement des sommes perçues à compter de la violation ;
- Il est fréquent que le contrat comporte une clause pénale prévoyant, en cas de non-respect par le salarié de son obligation, le versement d’une indemnité forfaitaire à l’employeur, indépendamment du préjudice réellement subi ;
- Éventuellement, des condamnations : cessation sous astreinte de l’activité concurrentielle, dommages et intérêts…
Est-il possible de renoncer à la clause de non concurrence ?
Oui, mais cette faculté doit être expressément prévue dans le contrat de travail ou la convention collective applicable. Si cette faculté n’est pas prévue, l’employeur devra recueillir l’accord express du salarié.
Le contrat ou la convention collective fixent les modalités de la renonciation, notamment les conditions de forme et de délai (selon la jurisprudence, en l’absence de délai explicite, la renonciation doit intervenir au moment de la rupture du contrat). Attention : ces délais sont souvent très courts !
La jurisprudence encadre et précise ces conditions. Ainsi, lorsque le salarié est dispensé d’exécuter son préavis, l’employeur doit impérativement l’informer de sa décision de renoncer à la clause à la date du dernier jour de travail effectif.
Dans le cadre d’une rupture conventionnelle, la renonciation devra être intégrée à l’accord signé entre les parties.
Quelles sont les conséquences d’une renonciation non conforme, tardive ou d’une absence de renonciation ?
L’employeur qui omet de notifier sa décision de renonciation dans les formes et/ou délais impartis sera tenu de verser au salarié la contrepartie prévue par le contrat et ce jusqu’à l’expiration de la durée d’application de la clause ou jusqu’à ce que le salarié ne respecte plus son obligation.
C’est pourquoi il est vivement recommandé de n’insérer une clause de non-concurrence que lorsqu’il existe un risque significatif de préjudice pour la société.
Quelles sont les conséquences pour l’employeur qui ne verse pas la contrepartie financière prévue par le contrat de travail ?
Le salarié n’est plus tenu de respecter son interdiction de concurrence. Il pourra également obtenir l’octroi de dommages et intérêts, son préjudice étant automatiquement reconnu.
Quand la clause commence-t-elle à s’appliquer ? Est-il possible de limiter la clause de non-concurrence à certains modes de rupture ?
La clause s’applique à compter de la cessation du contrat de travail. Jusqu’à cette cessation le salarié est tenu par son obligation de loyauté et ne peut donc évidemment exercer d’activité concurrente.
En pratique cette question a un véritable intérêt concernant la période d’essai. Le salarié est-il susceptible de porter préjudice en partant à la concurrence dès les premiers jours / semaines / mois d’emploi ? SI tel n’est pas le cas, il est prudent de prévoir son déclenchement en cas de rupture du contrat après l’expiration de la période d’essai.
Quelle est la nature de la contrepartie financière ?
Cette indemnité revêt la nature de salaire, l’employeur doit établir un bulletin de paie pour chaque versement de l’indemnité de non-concurrence. Cette indemnité est donc soumise à cotisations pour la société et sera prise en compte dans la déclaration d’imposition sur le revenu du salarié.
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