Qu’est-ce que le droit de grève ?
Le droit de grève se range parmi les droits fondamentaux puisqu’il figure notamment à l’alinéa 7 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ainsi que dans de nombreux textes internationaux.
Pourtant, la grève n’est pas définie par la loi et le Code du Travail ne consacre que très peu d’articles à son exercice.
C’est la Cour de cassation qui a donné une définition du droit de grève comme la cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles.
Au fil du temps, la Cour de cassation a, par sa jurisprudence, également dessiné les contours de l’exercice de ce droit.
Voici un rappel sur les 5 points essentiels du droit de grève, illustrés par différents arrêts de la Cour de cassation.
1/ La grève est un droit individuel exercé collectivement
Le droit de grève est un droit individuel qui s’exerce collectivement. Ce principe suppose donc un arrêt collectif de travail, c’est-à-dire de plusieurs salariés.
Prenant en compte la diversité des situations, la Cour de cassation est venue assouplir ce principe à plusieurs reprises, permettant ainsi à un salarié de faire grève seul. C’est notamment le cas lorsque le salarié :
- Est le seul salarié de son entreprise à « obéir à un mot d’ordre formulé au plan national » (29 mars 1995, n° 93-41.863).
- Est l’unique salarié de l’employeur (13 nov. 1996, n° 93-42.247).
Récemment, la Cour de cassation est venue préciser dans un arrêt en date du 21 mars 2022 que pour les salariés travaillant dans les entreprises gérant un service public, où la grève est conditionnée au dépôt d’un préavis de grève par le syndicat, un seul salarié pouvait répondre positivement à l’appel à la grève effectué par le syndicat sans que ce mouvement soit considéré comme illicite.
Soc. 21 avr. 2022, n° 20-18.402 P
2/ L’exercice du droit de grève est conditionné à l’existence de revendications professionnelles
De nombreux arrêts de la Cour de cassation précisent ce qu’il faut entendre par revendications professionnelles. À ce titre, les grèves d’autosatisfaction ou purement politiques ont déjà pu être censurées par la Cour de cassation.
À titre d’illustration, dans un arrêt en date du 6 avril 2022, la Cour de cassation estime que la contestation du licenciement d’un collègue ne constituait pas une revendication professionnelle.
En l’espèce, les salariés grévistes avaient transmis une lettre à l’employeur indiquant leurs revendications préalablement à un mouvement de grève. La Cour de cassation relève que cette lettre ne comporte comme unique revendication la contestation du licenciement pour motif personnel prononcé à l’encontre d’un collègue, avant d’en déduire que la cessation du travail n’était pas fondée sur une revendication professionnelle et que dès lors, l’arrêt de travail ne constituait pas l’exercice du droit de grève.
Cass. soc., 6 avr. 2022, n° 20-21.586 F-D
3/ Les salariés grévistes bénéficient d’une protection contre le licenciement
… à condition d’avoir préalablement informé l’employeur de l’existence de leurs revendications professionnelles.
En effet, l’article L 2511-1, al. 3 du Code du travail interdit à l’employeur de prononcer le licenciement d’un salarié gréviste en l’absence de faute lourde de la part de ce dernier.
Les salariés grévistes bénéficient donc d’une protection contre le licenciement.
Seulement, pour prétendre à cette protection, la Cour de cassation rappelle que les revendications professionnelles collectives à l’origine du mouvement de grève doivent avoir été portées à la connaissance de l’employeur, au moment de l’arrêt du travail, peu important les modalités de cette information.
Cass. soc., 30 juin 2015, n° 14-11.077
4/ L’exercice du droit de grève ne doit donner lieu à aucune mesure discriminatoire
Cette interdiction est portée au deuxième alinéa de l’article L.2511-1 du Code du travail comme suit : « Son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que mentionnée à l’article L. 1132-2, notamment en matière de rémunérations et d’avantages sociaux ».
L’octroi de primes à des salariés non-grévistes a fait l’objet de multiples contentieux.
À ce titre, la Cour de cassation a récemment affirmé que l’employeur pouvait valablement verser une prime exceptionnelle à des salariés non-grévistes pour réalisation de tâches supplémentaires et surcroît de travail, ces motifs étant étrangers à l’exercice du droit de grève, la mesure n’est pas discriminatoire.
Cass. soc., 3 avril 2024, n° 22-23.321
5/ L’employeur ne dispose pas d’un droit de riposte
Le lock-out, qui se définit comme le droit de procéder à la fermeture ou à l’interdiction d’accès des locaux de l’entreprise par l’employeur en réponse à une grève ou une menace de grève, est interdit en France.
Cette interdiction est appréciée strictement par la Cour de cassation comme en témoigne un arrêt rendu le 14 octobre 2015, dans lequel elle estime qu’en l’absence de situation d’insécurité ou d’atteinte aux personnes, la fermeture d’un site par l’employeur constitue une riposte, ce qui est interdit en France.
Cette constatation n’est pas sans conséquence, puisque dans un tel cas, les salariés non-grévistes pourraient valablement solliciter la résiliation judiciaire de leur contrat de travail en raison du manquement de l’employeur à son obligation de fournir du travail à ses salariés.
Cass. soc., 14 oct. 2015, n° 14-10.145
Article rédigé par Laure Maillard, notre élève avocate en Droit Social.