Le droit du travail est truffé de mentions concernant le « délai raisonnable », ou encore « suffisant », qu’on pourrait qualifier de pendant travailliste du feu « bonus pater familias » civiliste.
Tout comme la notion de « bon père de famille », le caractère raisonnable d’un délai n’est pas défini.
Ainsi, la convocation à entretien en vue d’une rupture conventionnelle doit être faite dans un délai raisonnable, la dénonciation d’un usage d’entreprise doit respecter un délai de prévenance suffisant, ou un délai de réflexion raisonnable doit être laissé au salarié à qui est proposé un poste de reclassement.
Dans une décision du 24 mars 2021, la Chambre Sociale de la Cour de cassation donne une explication bienvenue sur la manière d’apprécier le caractère raisonnable du délai écoulé entre le licenciement d’une salariée pour désorganisation liée à son absence prolongée et son remplacement.
Le remplacement de la salariée en question était survenu 6 mois après son licenciement, délai jugé « raisonnable » par la Cour d’appel.
La Cour d’appel a pris en compte l’engagement des procédures de recrutement par l’entreprise immédiatement après le licenciement.
Elle a en outre considéré que la haute technicité du poste de Direction en question pouvait justifier le délai de recrutement de 6 mois.
Saisie par la salariée, la Cour de cassation a validé l’appréciation de la Cour d’appel du caractère raisonnable du délai, rappelant qu’elle doit être effectuée in concreto, « en tenant compte des spécificités de l’entreprise et de l’emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l’employeur en vue d’un recrutement ».
Ainsi, la Cour de cassation donne sa méthodologie, sans définir de quantum.
Il n’y a donc pas de réponse ni dans la loi, ni dans la jurisprudence, à la question de ce qu’est précisément le « délai raisonnable » pour l’application de telle ou telle règle.
Il s’agit en effet de pouvoir apprécier in concreto les conditions de l’écoulement du temps et leur incidence par rapport à la situation donnée.
Le même délai sera alors raisonnable dans certains cas, déraisonnable dans d’autres.
Même si cela peut être vu comme une source d’insécurité juridique, cela permet surtout, à notre sens, de faire comprendre à une juridiction la spécificité d’une situation, loin de tout automatisme.
Cass. Soc. 24 mars 2021 n°19-13188.
Article rédigé par Lisa LAVARINI et Nicolas ROGNERUD pour le cabinet Axiome Avocats spécialisé en droit du travail à Lyon.