Quels sont les recours possibles en cas de non-conformité ou de vice caché dans le cadre d’une vente immobilière ?
L’achat d’un bien immobilier constitue un investissement important dans le cadre duquel il peut arriver que l’acquéreur découvre, postérieurement à la prise de possession de l’immeuble des imperfections, défauts ou caractéristiques anormales. Afin de protéger l’acquéreur, le Code civil confère à ce dernier différents recours en vue de faire face aux situations dans lesquelles l’immeuble livré ne correspond pas aux attentes légitimes et à la destination prévue. Les actions judiciaires se révèlent différentes selon que l’acquéreur découvre des non-conformités ou un vice caché.
I. L’action judiciaire en cas de non-conformité de l’immeuble
En application de l’article 1604 du Code civil, le vendeur est tenu, à l’égard de son acquéreur, d’une obligation de délivrer un bien dont les caractéristiques sont conformes à celles convenues entre les parties.
En matière immobilière, la non-conformité d’un bien s’apprécie tant par rapport aux engagements particuliers du vendeur dans l’acte authentique de vente (surface, état du bien lors de la délivrance, composition, performances énergétiques…) qu’au regard des normes légales, administratives, techniques, environnementales…
A titre d’exemples, il a été jugé qu’il y avait un manquement à l’obligation de délivrance conforme du vendeur pour :
- une maison partiellement reliée au réseau public d’assainissement alors que l’acte de vente précisait qu’elle y était raccordée (Cour de cassation, 3e Chambre civile, 28 janvier 2015, n° 13-19.945).
- un appartement vendu avec le label « confort acoustique » et qui s’est révélé non conforme aux spécifications de ce label (Cour de cassation, 3e Chambre civile, 2 juin 1982, n°80-14.489).
- un terrain sur lequel il a été constaté une pollution résiduelle alors que l’acte de vente précisait qu’il avait fait l’objet d’une dépollution (Cour de cassation, 3e Chambre civile, 29 février 2012, n° 11-10.318).
En cas de non-conformité, l’acquéreur dispose d’une action judiciaire en vue, à son libre choix, d’obtenir la livraison forcée d’un bien conforme, une réduction du prix de vente de l’immeuble ou bien la résolution du contrat outre le paiement de dommages & intérêts.
L’action judiciaire fondée sur la non-conformité de l’immeuble se prescrit par un délai de 5 ans, à compter de la délivrance du bien.
Toutefois, le vendeur peut opposer à l’acquéreur l’absence de réserve exprimée lors de la livraison de l’immeuble lorsqu’il est reproché une non-conformité dite « apparente » (non-conformité facilement visible par simple inspection sommaire de l’immeuble).
II. Les recours en cas de découverte d’un vice-caché de l’immeuble
Selon l’article 1641 du Code civil, les vices cachés sont définis comme « des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus »
Lors d’une visite immobilière, le potentiel acquéreur est tenu de faire un état des lieux et un diagnostic du bien. En cas de défaut visible, il est considéré comme ayant vu et accepté cette défaillance.
Au contraire, en présence d’un vice caché, l’acquéreur dispose de deux types de recours permettant de faire face à une telle situation. En effet, l’acheteur peut, à son libre choix, solliciter une réduction du prix de vente proportionnelle à l’importance du vice (action estimatoire) ou demander la résolution de la vente (action rédhibitoire).
Ces deux actions judiciaires sont conditionnées à la réunion de 4 conditions cumulatives, en ce que le vice découvert par l’acquéreur doit :
- être non apparent lors de la vente ;
- rendre impropre l’usage ou le diminuer fortement ;
- exister antérieurement à la vente ;
- être de nature à ce que l’acquéreur n’aurait pas consenti à la vente s’il en avait eu connaissance, ou qu’il en aurait donné un prix inférieur.
A titre d’exemples, la jurisprudence a retenu l’existence de vices cachés dans les hypothèses suivantes :
- le risque d’inondation rendant le sous-sol à usage d’habitation impropre à sa destination. (Cour de cassation, 3e Chambre civile, 22 janvier 1997, n°95-10.045)
- l’absence d’eau courante pour une maison équipée de canalisations et de robinetteries (Cour d’appel de Versailles, 13 janvier 2000 : D. 2000. IR 94.)
- le niveau de pollution élevé d’un immeuble rendant risquée pour la santé toute opération de construction (Cour de cassation, 3e Chambre civile, 8 juin 2006, n°04-19.069)
- la présence de termite antérieurement à la vente (Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 31 mars 1954 : D. 1954. 417)
- le caractère gélif de tuiles (Cour de cassation, 3e Chambre civile, 9 février 1965, n°59-11.825)
Selon la 3e Chambre civile de la Cour de cassation, ces deux recours en cas de vice caché sont encadrés par un double délai de 20 ans à compter de la conclusion de la vente, sans pouvoir être intentée plus de 2 ans à compter de la découverte du vice par l’acquéreur.
Enfin, la garantie des vices cachés est exclue dans 3 types de vente :
- les ventes faites par autorité de justice (comme les ventes aux enchères publiques) ;
- les ventes aléatoires, telles que les ventes en viager ;
- les ventes d’immeubles à construire soumises à un régime spécifique de garantie (telles que les ventes en l’état futur d’achèvement).
III. La distinction entre la non-conformité et le vice caché
Ces deux actions judiciaires concernent des hypothèses différentes, et il convient de distinguer entre délivrance conforme et garantie des vices cachés.
L’action en non-conformité ne concerne que les situations dans lesquelles les spécifications convenues entre les parties n’ont pas été respectées lors de la délivrance du bien immobilier.
Au contraire, la garantie des vices cachés s’applique lorsque le bien livré se révèle atteint d’un défaut affectant son usage normal, qui préexistait à la vente et dont l’acquéreur n’avait pas connaissance.
A titre d’illustration, l’absence d’étanchéité d’une toiture-terrasse constitue, selon la Cour de cassation, un vice caché, car il fait « obstacle » à l’utilisation de l’immeuble dans des conditions normales (Cour de cassation, 3e Chambre civile, 6 octobre 2004, n°02-21.088).
Il convient de déterminer avec précision le fondement adéquat de l’action en justice initiée contre le vendeur. En effet, la Cour de cassation a affirmé que lorsqu’une action est introduite sur le mauvais fondement, le juge saisi ne peut que rejeter les prétentieux de l’acquéreur et n’a pas à requalifier la demande et à l’examiner du point de vue de l’obligation de conformité (Cour de cassation, 3e Chambre civile, 8 novembre 2006, n° 05-17.379).
Il est donc nécessaire de procéder à une étude précise de la situation afin de déterminer, au cas par cas, si le défaut de l’immeuble relève d’une non-conformité ou d’un vice caché.
Article rédigé par Christopher De Haro pour le cabinet Axiome Avocats.