UN ACCIDENT SURVENU LORS DU TEMPS DE LOISIR ENTOURANT UN DEPLACEMENT PROFESSIONEL EST-IL CONSIDERE COMME UN ACCIDENT DU TRAVAIL ?
Il ne fait pas de doute qu’un accident intervenu pendant l’exercice de son activité professionnelle sera indemnisé selon les règles spécifiques de l’accident du travail, mais qu’en est-il si un salarié se blesse lors d’une après-midi team-building ou d’un temps libre au cours d’un séminaire d’entreprise ?
La jurisprudence a établi de longue date que les séminaires sont considérés comme du temps de travail. À ce titre, un séminaire est du temps de travail rémunéré et obligatoire. Il ne fait dès lors pas débat qu’un accident survenu au cours d’un séminaire revêt les caractéristiques d’un accident du travail.
Cependant, qu’en est-il lors des moments de détente entourant un séminaire ou un voyage professionnel ?
L’accident du travail est défini par les termes de l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale qui dispose que :
« Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise ».
La qualification d’accident du travail nécessite donc la réunion de trois éléments :
- La démonstration de la matérialité d’un fait accidentel ;
- L’existence d’un préjudice pour la victime (atteinte physique ou psychologique) ;
- Un cadre professionnel.
Il ressort de ces éléments que ce régime n’est pas limité aux accidents intervenus uniquement sur le lieu de travail car le critère déterminant est « l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail ». La définition du contexte professionnel n’est donc pas liée à un critère spatial ou temporel mais à la corrélation entre l’activité réalisée lors de l’accident et la mission du salarié.
Ce texte instaure en outre une présomption d’imputabilité qui s’explique par l’existence du lien de subordination entre le salarié victime de l’accident et l’employeur. En effet, le salarié est contraint d’être présent pour le respect de son contrat de travail et l’exécution de sa mission.
Dès lors, le salarié bénéficie de la protection prévue par l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale pendant tout le temps de la mission qu’il accomplit pour son employeur, que cet accident intervienne au cours de la réalisation d’un acte professionnel ou d’un acte de la vie courante.
Pour renverser cette présomption, l’employeur, ou l’organisme de sécurité sociale, doit donc d’établir que le salarié a interrompu sa mission pour un motif personnel au moment de l’accident et que cet acte ne relève pas d’un acte de la vie courante.
La charge de la preuve repose alors sur l’employeur.
Le débat de ses dernières années s’est donc porté sur la qualification « d’acte normal de la vie courante » et les juridictions se sont évertué à trancher de nombreuses situations de faits, dessinant ainsi les contours de ce critère.
Ainsi, sera considéré comme victime d’un accident du travail :
- le salarié en mission, victime d’un accident de la circulation à 2h du matin alors qu’il avait quitté son lieu de travail en fin d’après-midi pour retrouver un ami avant de reprendre la route tard dans la nuit en direction du site. La Cour d’appel avait d’abord considéré que le salarié avait interrompu sa mission en interrompant le parcours normal de son trajet pour un motif étranger à sa mission. Cependant, la Cour de cassation a cassé cette décision en rappelant que le décès était intervenu en cours de trajet, alors que le salarié était en mission et que dès lors la présomption d’imputabilité devant pleinement produire ses effets ( Civ. 2e.1er juillet 2003, 01-13.433) ;
- le salarié envoyé en mission en Chine et s’étant blessé à 3h du matin en dansant en discothèque. La Cour de cassation a fait une application stricte de la présomption d’imputation et a confirmé la décision de la Cour d’appel en considérant que l’employeur n’avait pas rapporté la preuve que le salarié se trouvait dans cet discothèque de son propre chef et sans lien avec son activité professionnelle (, Civ. 2e, 12 octobre 2017, n°16-22.481) ;
- le technicien de sécurité, décédé des suites d’une crise cardiaque intervenue après un rapport sexuel en marge d’un déplacement professionnel. La Cour d’appel de PARIS a confirmé la décision du Tribunal de la Sécurité sociale de MEAUX en considérant qu’une relation sexuelle est un acte de la vie courante (CA de Paris, Pôle 6 – chambre 12, 17 mai 2019, n° 16/08787) ;
- le salarié s’étant blessé en faisant seul du ski lors d’une « journée libre» durant un séminaire à la montagne. Dans cette affaire c’est la CPAM qui a fait appel de la décision rendue par la Cour d’appel. Elle considérait qu’au cours de cette journée aucune activité n’était prévue par l’employeur, que c’est le salarié qui a donc choisi seul cette activité et qu’il en a assumé à titre personnel les frais, l’employeur n’en ayant organisé aucune modalité. Selon son analyse, il s’agissait donc d’une activité personnelle, hors de tout lien de subordination juridique. Cependant, la Cour de cassation a confirmé l’arrêt d’appel en déterminant que le salarié n’avait à aucun moment cessé d’être placé sous l’autorité de son employeur, celui participant, même lors de la journée de repos et en pratiquant une activité non encadrée, à un séminaire obligatoire et rémunéré ( soc., 21 juin 2018, n° 17-15.984).
Par ce dernier arrêt, la Cour de cassation confirme encore l’application du principe de contexte professionnel ininterrompu et d’une application stricte de la présomption d’imputabilité de l’accident intervenu dans un contexte professionnel.
Article rédigé par Anne-Laure Chaufour pour le cabinet Axiome Avocats spécialisé en droit du travail à Lyon.