Une salariée peut-elle obtenir de son employeur la communication de bulletin de paie de son collègue masculin auquel elle se compare ?
Le 8 mars 2023, Journée Internationale des Droits des Femmes, la Cour de cassation tranchait une question de droit à la preuve au sujet de l’égalité femmes – hommes. Cet arrêt, en raison de sa date de publication et du lien avec le sujet qu’il tranche, revêt une symbolique toute particulière.
L’article 145 du Code de Procédure Civile prévoit en effet que tout intéressé peut, en cas de motif légitime, demander, sur requête ou en référé, que soient ordonnées les mesures d’instruction nécessaires à conserver ou établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige. Il s’agit de la procédure de référé probatoire.
Analysant une demande faite dans le cadre d’un référé probatoire, la Cour de cassation a dû répondre à la question de savoir si une salariée pouvait obtenir en référé la communication des bulletins de salaire de certains de ses collègues afin d’établir la preuve d’une inégalité de traitement supposée ?
Dans l’arrêt du 8 mars 2023 évoqué (Cour de cassation, chambre sociale, 8 mars 2023, n° 21-12.492), la Cour de cassation a jugé qu’une salariée licenciée, qui considérait avoir subi une inégalité salariale en comparaison à certains collègues masculins ayant occupé des postes comparables au sien, était fondée à obtenir la communication des bulletins de salaires de huit autres salariés occupant des postes de niveau comparable.
L’employeur opposait différents moyens.
Les juges du fond avaient considéré :
- Que le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 (RGPD) selon lequel le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu et doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité;
- Sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, qu’il appartient au juge, si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés, de vérifier quelles mesures sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production de pièces sollicitée.
Sur la base de ces principes, la Cour de cassation faisait droit à la demande de la salariée d’obtenir la communication de bulletins de paie d’autres salariés masculins occupant des postes similaires mais en masquant toutefois certaines informations personnelles. Le salaire et la classification devaient en revanche apparaitre. La Cour de cassation a ainsi estimé que la transmission des fiches de paie des huit salariés masculins était indispensable à l’exercice du droit de la preuve et proportionnée au but poursuivi. |
Article rédigé par Jérémie Souleiman pour le cabinet Axiome Avocats spécialisé en droit du travail à Lyon.