La deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a très récemment rendu plusieurs arrêts le 8 avril 2021 en matière de contentieux URSSAF et notamment n°19-23.728 et 20-11.126.
Dans l’une de ces affaires, l’URSSAF avait adressé, à la Société D. une lettre d’observations par laquelle elle lui indique la mise en œuvre de la solidarité financière prévue à l’article
L. 8222-2 du Code du travail.
La mise en œuvre d’un tel mécanisme est liée au fait que la Société D. est le donneur d’ordre de la Société C.
Un procès-verbal de travail dissimulé avait en effet été dressé à l’encontre du sous-traitant, la Société C.
Il convient de rappeler qu’en application de l’article L. 8222-2 du Code du travail, « toute personne qui méconnaît les dispositions de l’article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l’objet d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé » au paiement des éventuelles cotisations et pénalités.
Cela signifie donc qu’un donneur d’ordre peut valablement être tenu, solidairement, avec son sous-traitant, au paiement des cotisations et majorations auxquelles ce dernier peut être condamné en cas de travail dissimulé constaté par l’URSSAF.
Pour mettre en œuvre ce mécanisme de solidarité, il est nécessaire que l’URSSAF ait dressé un procès-verbal pour travail dissimulé.
Jusqu’alors l’URSSAF n’était pas tenue de produire aux débats ce procès-verbal au donneur d’ordre pour mettre en œuvre ce mécanisme de solidarité en cas de contentieux devant une juridiction.
Ainsi, récemment encore, la Cour de cassation indiquait que « la procédure résultant de la mise en œuvre de la solidarité financière n’est pas subordonnée à la production du procès-verbal de constat du travail dissimulé ». (par exemple, Cass. Civ. 2ème, 28 mai 2020, n°19-14.863).
Or, par deux arrêts du 8 avril 2021, la Haute juridiction a indiqué que :
« Si la mise en œuvre de la solidarité financière du donneur d’ordre n’est pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l’encontre du cocontractant, l’organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d’ordre de l’existence ou du contenu de ce document ».
La Cour de cassation conclut ainsi que :
« L’URSSAF ne produit aucun procès-verbal de constat d’une infraction de travail dissimulé concernant la société C., cocontractante de la société en cause.
De ces constatations, la cour d’appel a exactement déduit que, faute pour l’URSSAF d’avoir produit devant la juridiction de sécurité sociale le procès-verbal de constat de travail dissimulé à l’encontre du sous-traitant, elle n’était pas fondée à mettre en œuvre la solidarité financière ».
Ces décisions constituent donc un revirement de jurisprudence.
Elles sont à mettre en lien avec le fait que l’URSSAF n’est pas – pour l’instant – tenue de communiquer à l’employeur ni à la juridiction le procès-verbal constatant une infraction de travail dissimulé, à l’origine d’une procédure de redressement de cotisations sociales.
Le Conseil constitutionnel dans une décision du 14 novembre 2020 a d’ailleurs confirmé à ce sujet la constitutionnalité des dispositions de l’article L243-7-5 du Code de la sécurité sociale (Décision n° 2020-864 QPC Publication : JORF n°0276 du 14 novembre 2020, texte n° 101).
Après le donneur d’ordre, il nous parait raisonnable de penser que la Cour de cassation va également s’intéresser à la communication du procès-verbal de travail dissimulé à l’employeur et à la juridiction dans le cadre d’un contentieux.
Article rédigé par Sarah BOUSSEKSOU et Nicolas ROGNERUD pour AXIOME AVOCATS, cabinet d’avocat spécialisé en droit du travail à Lyon.