
Lorsqu’un salarié se dit victime d’un accident du travail (AT), ou d’une maladie professionnelle (MP), la Caisse primaire d’assurance maladie instruit la demande de reconnaissance d’AT/MP avant de se positionner sur une décision de prise en charge ou de rejet.
Par une jurisprudence désormais bien établie, la Cour de cassation a renforcé le caractère contradictoire de l’instruction à l’égard de l’employeur qui, en pratique, n’avait souvent pas accès à tous les éléments susceptibles de lui faire grief l’empêchant ainsi de faire valoir utilement ses observations. C’était notamment le cas lorsque la CPAM adressait un questionnaire à l’assuré, sans en adresser un à l’employeur.
La jurisprudence de la Cour de cassation oblige, depuis plusieurs années, la CPAM a un strict respect du contradictoire en donnant autant d’importance aux observations de l’employeur qu’à celles de l’assuré quant aux circonstances de l’accident, ou de la maladie (Cass. 2e civ., 10 mars 2016, n°15-16.669 et Cass. 2e civ., 6 juillet 2017, n°16-18.774).
Ce respect du contradictoire est impératif et ce jusqu’au rendu de la décision par la Caisse.
Pour autant, aujourd’hui, le respect du contradictoire n’est pas absolu et se heurte au secret médical.
- Le secret médical et le dossier constitué par la CPAM pendant l’instruction (article R.441-14 du code de la sécurité sociale) :
Par principe, le dossier constitué par la Caisse, et qui comprend : la déclaration d’accident du travail ou de maladie professionnelle ; les certificats médicaux ; les constats faits par la Caisse ; les informations communiquées par la victime et l’employeur ; les éléments communiqués par la caisse régionale ou, le cas échéant, tout autre organisme, doit être accessible à l’employeur.
Le défaut d’information de l’employeur quant à ce dossier emporte inopposabilité de la décision de prise en charge de l’accident ou de la maladie, c’est notamment le cas lorsque le rapport médico-administratif ne lui est pas communiqué.
Cependant, certains documents comportent des données médicales dont la communication serait susceptible de violer le principe du secret médical.
C’est particulièrement le cas de l’audiogramme, document visé par le tableau n°42 des maladies professionnelles relativement au atteintes auditives.
La question de la communication de l’audiogramme est discutée depuis longtemps, n’étant pas seulement un élément de diagnostic mais une composante essentielle de la définition de la maladie professionnelle visée par le tableau susceptible d’être contestée par l’employeur.
La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que « le seul constat de la carence de cet élément [audiogramme] nécessaire à la réunion des conditions du tableau n° 42 qui comme tel échappe au secret médical » rend inopposable la décision de prise en charge de la maladie à l’employeur (Cass. 2e Civ., du 11 octobre 2018, n°17-18.901).
Le débat a récemment pris fin avec l’arrêt du 13 juin 2024 (n° 22-22.786) dans lequel la Cour a précisé que « l’audiogramme, qui comporte des informations sur le diagnostic de la maladie concernant la victime venues à la connaissance des professionnels de santé, est une pièce médicale, couverte comme telle par le secret » et ne peut être communiquée à l’employeur en application de l’article R.441-14 du code de la sécurité sociale.
Depuis un arrêt du 3 avril 2025, la Cour de Cassation a pris position quant au rapport d’autopsie, qui figurait auparavant dans le dossier constitué par la CPAM, n’est désormais plus communiqué à l’employeur en cas d’accident du travail mortel : « l’ensemble de ces considérations conduit la Cour à juger désormais que le rapport d’autopsie constitue un élément couvert par le secret médical, qui n’a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale ». (Cass 2e Civ., du 3 avril 2025, n° 22-22.634)

- Le secret médical et la communication de l’entier dossier médical au médecin mandaté par l’employeur (article L. 142-6 et R. 142-1-A, V du Code de la sécurité sociale) :
Si les éléments médicaux ne peuvent être librement consultés par l’employeur dans le cadre de l’instruction, ce dernier conserve la possibilité de mandater un médecin afin d’en prendre connaissance dans le respect du secret médical.
Pour autant cette communication est strictement encadrée par les textes et ne peut être réalisée qu’au stade de la saisine de la commission médicale de recours amiable (art. L 142-6 CSS) et/ou au stade de l’expertise judiciaire (art. L 142-10 CSS). En dehors de ces deux phases, aucune disposition n’autorise la communication par le praticien-conseil au médecin mandaté par l’employeur de ce rapport, Cass. 2e Civ, du 11 janvier 2024, n° 22-15.939.
Une question pratique se pose alors : la CPAM doit-elle informer l’employeur de cette possibilité de mandater un médecin lorsqu’elle lui notifie la possibilité de saisir la Commission médicale de recours amiable (CMRA) ?
En effet, l’Organisme, lorsqu’il notifie sa décision de prise en charge à l’employeur, indique la possibilité de saisir la CMRA dans un délai de 2 mois pour contester cette décision sans pour autant lui indiquer la faculté de désigner un médecin aux fins de communication du rapport médical.
A notre sens, si la CPAM à l’obligation d’informer les parties quant aux délais et voies de recours elle devrait également avoir l’obligation d’informer la Société de son droit de se faire assister d’un médecin afin de pouvoir contester utilement les décisions de prise en charge et après avoir eu accès à l’entier dossier.
C’est la question que nous avons soumise au Tribunal Judiciaire dernièrement et dont nous attendons désormais la décision.
N’hésitez pas à solliciter le Cabinet AXIOME AVOCATS dans le cadre de procédures AT/MP.